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L'orthopédie c'était galère avant

Les Urgences vues de l'intérieur

"Allez aux urgences!" Dit-on d'une voix assurée quand un patient présente des signes de gravité. Mais que se passe t'il ensuite? J'ai toujours été curieux de savoir ce qui arrive aux patients que j'envoie aux urgence. Afin de comprendre un peu mieux le parcours de soins, d'en apprendre davantage sur les signes de gravités,les examens cliniques, les imageries et les examens biologiques indispensables au diagnostic, j'ai émis le souhait de passer un moment aux urgences de l'hôpital Saint Louis à Paris qui se trouve à moins de 500 mètres de la pharmacie dans laquelle j'exerce. J'ai contacté un médecin urgentiste très engagé dans la formation des jeunes étudiants qui m'a ouvert grand les portes de son service. J'ai quitté le cocon de l'officine de ville pour le rejoindre. Voici le récit de ma journée en immersion.

9h30 : Arrivée aux urgences

Déjà arriver aux urgences et expliquer que l'on est pas malade c'est pas commun... J'aperçois Nicolas médecin urgentiste qui me sert la main avec un grand sourire. "Viens te changer mon grand on va au vestiaire". Je me revois en 5ème année de pharma à l'hôpital. Blouse taille 4 grisâtre et pantalon taille 7, je serre la ficelle en faisant 4 tours de ma taille et fait 4 ourlets. Me voilà fin prêt (vive l'APHP). On rejoint l'équipe formée par le médecin sénior, l'interne, et l'infirmier. "Mais ils sont où mes externes bordel?" s'écrit Nicolas. "Mais il révisent l'internat" rétorque Charlotte son interne.

9h35 : 1er dossier : Fais gaffe où tu marches madame!

Madame K. 35 ans a marché sur un bout de verre ce matin. Elle ne peut plus poser le pied par terre. L'éclat de verre se situe sur la partie latérale externe du talon. Nicolas parvient à le palper. Décision est prise après anesthésie locale de pratiquer un excision d'une rondelle de peau. Pansement, ordonnance de sortie avec des antalgique et on passe au box suivant.

Excision
ExcisionExcision

Excision

10h15 : Mais qu'est ce que tu as foutu avec ton plâtre?

Une jeune femme d'une vingtaine d'année vient pour une visite de contrôle. Il y a deux mois, elle s'est fait roulé sur les pieds par un camion de La Poste (veuillez noter la précision du récit).

Bilan à l'époque : Fracture bi-malléolaire cheville droite avec une fracture tibiale oblique, rupture du ligament collatéral latéral, fracture M2 du pied gauche. La décision a été prise de ne pas l'opérer même si le cas était limite m'explique Nicolas. On lui a posé une botte résine (un plâtre en plus léger) jusqu'à mi-cuisse à porter pendant 8 semaines sans appuis.

On envoie la patiente à la radio et bonne nouvelle, la cheville a plutôt bien consolidé. On va pouvoir lui retirer sa résine. La patiente est aux anges et remercie chaleureusement son médecin. "Mais attend une minute, il est complètement cassé ton plâtre!" s'écrit Nicolas. J'observe, en effet il y a une cassure nette à 15 cm des malléoles, le dessus du plâtre reposent sur le pied (voir photos). La patiente expliquera avoir tiré puis poussé en alternance sur son plâtre afin de se gratter! Nicolas en colère lui explique que sa cheville aurait pu ne jamais se ressouder surtout qu'il apprend par la même occasion qu'elle l'a cassé au bout de 2 semaines et qu'en plus elle a posé son pied depuis le début.

Bref, après des remontrances toujours accompagnées d'une bonne dose d'humour, la patiente peut ressortir avec 16 séances de kiné, sa cheville étant totalement figée, son genou ne faisant pas plus de 90° de flexion volontaire.

Résine cheville
Résine chevilleRésine cheville

Résine cheville

10h40 : Touche mon genou!

Un homme de 35 ans a chuté de sa hauteur il y a 3 semaines. Depuis il a mal aux 2 genoux. Un interrogatoire poussé commence afin de comprendre les circonstances de la chute et de qualifier les douleurs. Finalement on apprend que l'homme, de confession musulmane, fait sa prière 5 fois par jour, ce qui l'oblige a poser ses genoux au sol à de nombreuses reprises dans la journée. Nicolas entame l'examen clinique. Par la palpation de la rotule et de la tête fibulaire, il recherche les critères d'Ottawa. Ottawa négatif: pas besoin de faire de radio. Il réalise ensuite le testing ligamentaire sur la jambe droite. On cherche un tiroir antérieur (rupture du croisé antérieur), et un tiroir postérieur (rupture du croisé postérieur). Il met ensuite le genou en valgus puis en varus afin de réaliser les tests de latéralité. Pas de problèmes du côté des ligaments collatéraux.

"Mika prends des gants! Tu vas faire la jambe gauche." Ni une ni deux, je m'exécute. J'apprends à réaliser les différentes manœuvres. "Mais pousse plus fort! Arrête de le caresser!"

Bilan: le patient ne présente aucun signe d'atteinte osseuse, méniscale, ligamentaire ou tendineuse. Il s'agit peut-être d'un syndrome fémoro-patellaire. Nicolas lui recommande de trouver une autre manière de prier qui soit moins traumatisante pour les genoux. Je ne peux m'empêcher d'envoyer à Nicolas : "Mais tu lui prescrits pas une genouillère là?". "Laisse moi tranquille avec tes genouillères"! me rétorque-t'il. J'apprends ainsi que dans ce genre de cas, il faut laisser le genou récupérer seul.

Testing du genouTesting du genouTesting du genou
Testing du genouTesting du genouTesting du genou
Testing du genouTesting du genou

Testing du genou

11h30 : Il fait beau alors je sors mon vélo...

Après avoir réalisé une excision d'un panaris sur une adolescente (" Ah mais tu lui laisse pas un peu plus de doigt la?"), On reçoit une patiente d'une trentaine d'année qui a chuté à vélo la veille. Outre des ecchymoses et des plaies superficielles, elle souffre des côtes et a du mal à respirer. Après une auscultation des poumons au stéthoscope, il n'y a pas de signes de gravité comme un épanchement pulmonaire.

11h50 : Il fait beau alors je sors mon vélo... bis

Au printemps, c'est toujours la même chose, on m'explique qu'à cette période de l'année il y a une augmentation très importante des accidents de la voie publique qui se ressent aux urgences.

Notre homme a la cinquantaine. Il souffre d'une fracture de l'olécrâne (un des os du coude). La radio montre une fracture non déplacée. Nicolas décide de lui poser une résine BABP (brachio antébrachio palmaire). J'assiste à la pose de la résine. Il faut bien positionner le bras à 90°, faire attention à ne pas créer de conflits entre la résine et la peau. La technique est maîtrisée à la perfection. "C'est de l'art" m'écris-je On effectuera une radio de contrôle pour vérifier que les os sont bien en place dans la résine. Le patient devra la porter durant 6 à 8 semaines avant une reprise de d'activité.

Pose d'une résine sur un coude fracturéPose d'une résine sur un coude fracturéPose d'une résine sur un coude fracturé
Pose d'une résine sur un coude fracturéPose d'une résine sur un coude fracturéPose d'une résine sur un coude fracturé

Pose d'une résine sur un coude fracturé

12h45 : Les fractures de doigts c'est compliqué, surtout quand on se casse la jambe en même temps

Monsieur B. 40 ans s'est cassé la première phalange du 5ème métacarpien de la main droite et la cheville droite lors d'un accident de la voie publique il y a 3 semaines. On lui a posé une botte résine à la cheville qu'il va devoir garder encore 5 semaines. Pour le doigt, une attelle d'immobilisation a été mise en place

Le contrôle radio montre que la fracture métacarpienne ne se remet pas très bien. En effet, il y a plusieurs morceaux d'os qui ne se sont pas resoudés. Nicolas décide d'adresser le patient à un confrère spécialisé dans la main. 

13h30 : On va se nourrir?

Direction la salle de repos pour une pause déjeuner bien méritée. Je peux vous dire qu'après une matinée comme ça on apprécie fortement le plateau repas de l'APHP. C'est l'occasion d'échanger un peu avec les médecins et infirmiers du service. A 14h30 deux jeunes étudiants en ostéopathie débarquent pour suivre Nicolas avec moi. On prend un café et on retourne au charbon.

14h30 : Un genou poutre

Micheline 87 ans a chutée ce matin. Elle s'est fracturé le nez et son genou gauche est très douloureux. Nicolas commence par réaliser une série de test neurologiques qui sont tous négatifs. On peut alors se lancer dans l'examen clinique du genou. Son genou est énorme! La rotule n'est même pas palpable. Il s'agit visiblement d'un hématome sous cutané. 

Un radio est demandée. Celle-ci va nous permettre d'écarter la fracture de la rotule. On constate également qu'il n'y a pas d'épanchement dans le genou et pas d'hémarthrose. Les tendons sont en parfait état.

La patiente souffre beaucoup, le moindre contact d'un tissu avec son genou est insuportable. Nicolas m'explique que l'hématome appuis sur tous ses nerfs sous cutanés, rendant la patiente hypersensible.

Il ne veut pas la laisser repartir ainsi et décide donc de ponctionner un peu de liquide. 

Je ne vous mets pas toute les photos car pour moi c'est le début de 20 minutes de film d'horreur : la ponction ne fonctionnant pas très bien, le médecin décide de pratiquer une incision dans la peau  après anesthésie locorégionale et de retirer les caillots de sang au ciseau chirurgical. Et là c'est le geyser... Effusion de sang, les caillots sortent les uns après les autres. La patiente est enfin soulagée. On lui fait un pansement que l'on recouvre d'une compresse alcoolique. Enfin je lui pose une attelle de zimmer (et ouai je sers à quelque chose!). La patiente attendra qu'un taxi la raccompagne chez elle.

Palpation, radiographie et ponction Palpation, radiographie et ponction
Palpation, radiographie et ponction Palpation, radiographie et ponction

Palpation, radiographie et ponction

15h30 : C'est l'heure de partir

Après ces fortes émotions, je décide de prendre congé. Je remercie Nicolas de son accueil de de sa patience!

Ce n'est que partie remise!

En conclusion

J'ai passé une journée très enrichissante aux urgences. Nul doute que je renouvellerai cette expérimentation à l'avenir. Je vous encourage tous à vous rapprocher des médecins de vos quartiers. Proposez-leur de passer une demi-journée avec eux. On va peut être pouvoir à l'avenir aller vers davantage de coopération interprofessionnelle! Qui sait?

Michaël

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