22 Avril 2015
J'ai il y a un peu plus de 6 mois initié à la pharmacie une spécialisation dans le domaine des semelles orthopédique. "Un pharmacien qui fait des semelles c'est possible ?" s'étonnent certains patients. "Ah vous êtes podologue! ça tombe bien j'ai des cors sur le bout des ..." me confient d'autres. Une chose est sûre, cette activité ne laisse pas les patients indifférents. En effet, la plupart de notre patientèle est concernée par des syndromes douloureux.
Quelle place la podologie peut-elle occuper dans la prise en charge de ces douleurs? J'ai décidé en reprenant une publication d'Hervé Ménard, Podologue et Orthopédiste-Orthésiste, enseignant aux DU d'Orthopédie de Besançon et de Lille, avec qui je collabore de tenter de vous éclairer sur le sujet!
En podologie, deux techniques de traitement coexistent : les semelles mécaniques ou classiques (qui agissent pour corriger un trouble douloureux de la statique) et les semelles de posture ou proprioceptives (qui agissent sur le système postural). On oppose souvent ces deux techniques, mais dans la plupart des cas elles se complètent comme solutions thérapeutiques.
La podologie mécanique est la plus ancienne et remonte à l'antiquité. De nombreuses traces soulignent son importance dès les origines des sociétés assyriennes, babyloniennes, égyptiennes, grecques et romaines. Ainsi, le papyrus Ebers (1550 avant l'ère chrétienne) traite des remèdes pour les pieds et consacre un chapitre aux orteils. Hippocrate décrit longuement les maladies du pied. Dans la Rome impériale, le pédicure joue un rôle important, traitant les cors, soignant les pieds et vendant les onguents. En 1820, Mathieu Dudon devient le père de la semelle destinée à soulager les affections cutanées.
L'intérêt principal est de soulager les douleurs des pieds. Le but est de corriger un axe (calcanéum généralement) pour limiter les contraintes ostéo-articulaires et limiter les autres zones d'hyper-appuis.
On utilise le podoscope pour affirmer un trouble statique du pied. On va parler de pied plat, de pied creux, de pied valgus (qui chute en dedans), de pied varus (qui chute en dehors). Peu coûteux, il est l'outil de base de la podologie mécanique.
Les plaques baroréceptrices ont été proposées pour une mesure normalisée des points de pression au sol du patient mais leur reproductibilité n'a pas été étudiée.
But du traitement par semelles mécaniques: Rééquilibrer les appuis plantaires. On cible les pathologies du pied, de la cheville ou du genou.
Quand penser à un trouble mécanique?
La plainte peut orienter le choix :
Examen clinique: on recherche une perte de mobilité articulaire, de mouvement de tiroir au niveau des articulations métatarso-phalangiennes. On analyse l'empreinte sur papier ou en informatique. La lecture des clichés radiographiques peut également guider dans le choix du traitement.
Dans les années 50, Baron montre que de légères modifications proprioceptives entraînent des adaptations posturales et locomotrices majeures. Suite aux travaux sur les réactions d'équilibration, Gagey développe la notion de Système Postural Fin (SPF), organise l'examen clinique postural et crée la posturologie. En 1979, Da Cunha décrit le syndrome de déficience posturale en y incluant le syndrome post-commotionnel et les troubles de l'axe corporel.
Les semelles posturales vont agir sur l'information qui est transmise par les barorécepteurs vers les centre de l'équilibre.
Des informations sensorielles erronées provenant des yeux, de la denture, des pieds, des muscles de la colonne vertébrale sont les causes les plus fréquentes d'atteinte du système postural.
Le système postural contrôle notre équilibre durant nos actes moteurs: en cas de dysfonctionnement, le patient peut présenter des pseudo-vertiges, une instabilité, une sensation de déviation à la marche.
Le système postural gère la posture statique debout: en cas de dysfonctionnement, le patient présentera un déséquilibre statique avec son cortège de douleurs musculo-articulaires mécaniques étagées sur l'axe corporel, voire des céphalées et de la fatigue. La caractéristique de ces douleurs est leur récurrence. Ainsi, le patient se plaindra de douleurs chroniques sans sur-sollicitations par le sport.
La podologie est un domaine peu ou pas étudié dans les facultés de médecine...Bien souvent une inégalité de longueur sur la radiographie de bassin est la seule cause de prescription de semelles. Pourtant, la podologie mécanique ou posturale peut être la solution pour des pathologies chroniques pour lesquelles les praticiens sont démunis. On peut prendre l'exemple des douleurs sur les faces postérieures des jambes ( avec un écho-doppler normal) qui peuvent être soulagées dans 80% des cas par l'association de bas de compressions et de semelles orthopédiques. Concernant les lombalgies chroniques, les médecins semblent bien désarmés. Entre des idées reçues sur les effets soit-disant néfastes des ceintures lombaires et une méconnaissance de l'efficacité des orthèses plantaires dans cette indication, le patient termine finalement dans la plupart des cas avec un traitement médicamenteux potentiellement iatrogène. Un complément de formation continue permettrait une meilleure évaluation par les médecins généralistes et une diminution des prises médicamenteuses.
Il est nécessaire de se spécialiser, et de pouvoir offrir une réponse plus efficace, des mesures fiables, des techniques scientifiquement prouvées. La posturologie est une voie nouvelle qui s'uniformise grâce à des outils de mesures communs. les intérêts sont multiples pour les professionnels de santé, mais le grand gagnant sera le patient.
Merci encore à Hervé Ménard qui m'a autorisé à retranscrire sa publication pour le blog.
Pour en apprendre davantage sur la posturologie et sur le MAP n'hésitez pas à consulter la publication suivante publiée par la Société Française de Phlébologie.
Posture et inégalité de longueur des membres inférieurs.
Michaël